Il y a des jours où je veux jouer, mais j’ai envie d’autre chose. Jouer, mais sans copains, sans vocal, pas de leaderboard, de loot. Juste envie de silence. De solitude. De m’asseoir dans un univers, d’y entrer sans fracas (ou avec pertes et fracas). Des jours sans interface ni guidage. Jouer comme si j’y étais (dedans) en étant “seul au monde”. Une approche presque méditative ou philosophique du jeu vidéo, centrée sur l’immersion brute.
Et pour que ça fonctionne, ce n’est pas bien compliqué. Même pas besoin d’un titre photo réaliste, ni de tout mettre à fond. Exit le Raytracing et les textures ultra 8K. Ce que je cherche, c’est l’équilibre. Un framerate fluide (45 ou 60 fps selon les titres ça suffit), des graphismes réglés sur *moyen* ou parfois *élevé*, et surtout l’interface réduite à son strict minimum.
🎮 Solo ou Multi : deux plaisirs différents
En 2008 le producteur de Dead Space donnait une réflexion en interview qui résume bien ce que je veux vivre :
« L’immersion ne vient pas seulement de ce que vous voyez, mais de ce que vous ne voyez pas. Parfois, c’est l’absence d’information qui rend l’expérience plus réelle. »
L’idée fait écho à ce que permet le minimalisme de l’ATH : laisser le joueur ressentir au lieu de tout lui expliquer, pour rendre une expérience plus profonde, plus viscérale. Cette façon de jouer n’est pas forcément « optimale ». On perd en efficacité, sur les titres multi la progression en score en prend un coup. Mais on gagne autre chose : une expérience. Un souvenir plus marquant qu’un énième match gagné sur Apex.
Virer l’ATH, pourquoi jouer handicapé ?
C’est paradoxal, car en multi, je me sers régulièrement des hints de Sudden Strike 4 pour aiguiller mes partenaires sur les mouvements de l’IA. Et en même sur Hidden Stroke 2, il n’y a pas d’indices, on repère l’artillerie à l’oreille, on cherche les traçantes pour déterminer la position d’un tireur/canon embusqué.
Et c’est là que ça devient intéressant. Parce qu’à l’opposé de cette immersion en solo, il y a l’autre visage du jeu vidéo : celui du partage. Les soirées coop, les sessions entre amis, les moments de grâce collectifs. Ceux dont on se souvient justement parce qu’on les a vécus ensemble. Une victoire in extremis dans Helldivers 2, un enchaînement de kills en duo dans Titanfall 2, une mission sans se faire repérer seul (ou à 2 avec son pointeur) dans Sniper Elite. Ces souvenirs-là ne viennent pas de l’immersion, mais du lien qu’on tisse avec les autres.
Et donc, on oscille, pour ma part, entre deux plaisirs vraiment différents. D’un côté, une immersion pure, silencieuse, personnelle. De l’autre, la camaraderie, le fun, la stratégie à plusieurs. Certains jeux ont le luxe de pouvoir nous offrir les deux. Je pense aux trio/quadro sur Hidden Stroke 2 en étant dans le même salon vocal tout en commentant ses actions ou celles de l’ennemi. Chacun de nous trouve son équilibre entre ces mondes. Cette immersion personnelle contraste avec l’autre grande richesse du jeu vidéo : le partage. Les moments à plusieurs, les souvenirs de coop réussie ou de fails hilarants. Et c’est ça qui est beau : pouvoir osciller entre introspection et (dé)connexion. Parfois, je joue pour être avec les autres. Mais d’autres fois, je coupe tout, et je pars me perdre dans un monde où, pendant quelques instants, je suis seul au monde… ou presque.
Quelques titres pour ça …
Sudden Strike 4
Étrangement, je voulais centrer mon propos sur les FPS, mais l’immersion marche en STR aussi. C’est juste différent, et pour un jeu basé sur de la micro-gestion, virer l’ATH implique d’apprendre les raccourcis clavier. Mais aussi de se souvenir que l’on a déjà demandé à Karl de poser ses mines ailleurs. Sans radar, on ne sait pas vraiment où est la patrouille, on suspend le feu, on rampe lentement en regardant les traces sur la route.
Sniper Elite Resistance
Une suite sous-estimée pour l’instant. Ce n’est pas le jeu le plus cité quand on parle d’immersion, mais il a ce quelque chose. Ce sentiment de solitude palpable, renforcé par la direction artistique, le sound design étouffé, et ce rythme lent, tendu. Sans HUD, tout devient instinctif. On observe, on écoute. On n’est plus un joueur devant un écran, on devient ce tireur isolé, en mission, seul, loin de chez lui. Tout pousse à l’attention. La plupart des tirs deviennent des actes importants.
Sniper Ghost Warrior Contracts 2
Des cartes semi-ouvertes, désertiques, parfaites pour l’introspection. En mode « tactique », sans aides visuelles, ce qui renforce cette impression d’être coupé du monde. On scrute l’horizon, on ajuste ses lunettes, et on avance lentement, avec prudence, on prend le temps. Là encore, sans indicateurs ni flèches colorées, chaque repère visuel devient important. Chaque tir réussi devient presque une récompense sensorielle, parce que c’est notre choix.
Titanfall 2
Mais l’immersion n’est pas forcément synonyme de solitude absolue. Ici, on n’est jamais vraiment seul : BT, le titan, est là. Cette relation change l’immersion : ce n’est plus la solitude, c’est la complicité silencieuse. Car il parle peu, mais chaque mot compte. Il est ton repère, ton garde du corps, ton allié. Et pourtant, même avec lui, le jeu parvient à créer des moments de calme, de flottement. Des moments où tu respires entre deux séquences nerveuses, où tu observes le décor. Et où tu te rends compte à quel point la relation entre ton personnage et BT contribue à l’immersion. Et parfois, c’est tout aussi puissant.
Helldivers 2
Paradoxe total. Le jeu est pensé pour être joué à plusieurs, à fond. Coop, stratégie et surtout du chaos coordonné pour en prendre plein les yeux (le napalm sur une jungle nocturne…). Toutefois, en solo, c’est un autre jeu qui se révèle : un monde hostile, ironique, où je ne suis plus parmi les héros, mais plutôt juste un soldat de trop sur une planète trop grande pour moi (selon les cartes). C’est un défi pour soi-même, pour ressentir autre chose, un contraste. Pour le moindre bruit, on flippe de se retrouver seul sur un champ de bataille pensé pour quatre. Entendre les cris au loin, voir les restes de combats que l’on n’a pas vécu et se rappeler que personne ne viendra assurer nos arrières.
Et là, dans ce moment de calme bizarre au cœur d’un jeu bruyant, une forme d’immersion étrange se ressent. Un étrange sentiment d’isolement volontaire dans un jeu pensé multijoueur qui a su rassembler des dizaines de milliers de personnes sur la même mission.