Il fallait bien que ça arrive qu’un jour les vieilles puces ne soient plus dans le coup, mais je ne m’y attendais pas comme ça. Ce n’est pas Windows, ni Unreal Engine cette fois-ci. Bien plus vicieux, la nouvelle génération d’anti-triches a décidé que votre machine n’était plus digne de jouer. À commencer par la dernière mise à jour de Ricochet, l’outil de surveillance phare chez Activision.
Tout est venu d’un choix qui, sur le papier, renforce la sécurité, agir dans un niveau système plus bas en passant par le TPM 2.0. Dans la pratique, il exclut brutalement une partie du parc PC, que Microsoft avait déjà essayé d’évincer avec Windows 11. Parc pourtant encore parfaitement capable de faire tourner Warzone, Modern Warfare II ou même Battlefield 2042 sans broncher. Et comme si ça ne suffisait pas, Javelin l’anticheat d’EA adopte la même stratégie avec Battlefield 6 pourtant modèle d’optimisation sur le vieux matériel.
La purge silencieuse
Le détail le plus croustillant dans cette folie est sans doute l’histoire d’une mise à jour rétroactive à venir sur des titres déjà sortis. Traduction : votre jeu acheté il y a trois ans va, du jour au lendemain, refuser de se lancer sous prétexte que votre matériel “n’inspire plus confiance” au système anti-triche.
En partant de Haswell j’ai visé large, mais globalement sont visées toutes les configurations « budget » du moment. Celles-la même que tout le monde conseille pour de l’esport. Je pense aux vieux Xeon X99, Skylake, et même une bonne partie des premiers Ryzen. On en est au niveau des Ryzen 3000 associés à des cartes mères AM4 avant les chipsets B350, se retrouvent sur la liste noire. Pour une partie de ces configurations, les GPUs et titres récents ne voyant pas de reBAR vous avaient déjà signalé que le PC se faisait vieux.
Cela dit, une grande partie des configurations tenaient encore largement la route en 1080p ou 1440p en solo associées avec un GPU décent. Pire, aucune boutique en ligne que ce soit Steam, Epic ou encore Origin n’indique clairement cette incompatibilité. Les fiches de jeu se contentent d’afficher des “configurations minimales” qui n’ont pas vraiment grand-chose à voir avec les prérequis réels imposés par leurs titres. En clair : le joueur achète en toute bonne foi un titre qu’il ne pourra peut-être même pas lancer, juste après avoir fait tourner sans souci la beta de ce même jeu sur sa config sans souci.
Le tsunami
Le résultat assez prévisible, c’est un tsunami à venir sur le marché de l’occasion. Les puces récentes compatibles TPM 2.0 vont se raréfier, tandis que les générations précédentes vont s’effondrer en valeur, inondant les sites de revente. On se retrouve avec un paradoxe savoureux : des machines parfaitement fonctionnelles, performantes et souvent entretenues avec amour, soudain réduites au rang de presse-papiers de luxe.
Si je peux comprendre l’argument technique, Ricochet annonce détecter les tricheurs sous quelques minutes. Moi qui ai quitté Apex pour cela, je comprends l’argument. Maintenant, je ne m’attendais pas à ce que la réponse soit si violente que ça. Pour faire la campagne de Call Of Duty, celle de Battlefield ou quelques parties d’Apex un i7-4770 avec sa 1060 n’avait rien d’overkill. Même la beta BF6 tournait bien. Je n’ose même pas imaginer la déception de ceux qui seront privés de solo à cause de l’anticheat. Et quand ils vont revendre leur matériel incompatible pour une bouchée de pain quand les offres compatibles seront hors de prix quand elles seront disponibles, ça sera le coup de grâce.
Le premier point qui me frappe, c’est que les tricheurs trouveront de quoi rebondir, par contre pas sûr que tout le monde se remette d’un tel gâchis matériel. Dans un contexte où la sobriété numérique et la durabilité sont sur toutes les lèvres, voir des milliers de configurations performantes mises hors-jeu pour une question de module de chiffrement a quelque chose de terriblement anachronique. Il y a des ports TPM1.X sur ses configurations, mais personne n’ira mettre à jour les bios pour accepter les modules TPM 2.0… Et quelque part, entre la lutte anti-triche et le tri sélectif de nos configurations, on finit par se demander qui triche vraiment avec qui.