Ou l’industrie ne devrait-elle pas faire une pause ? J’ai grandi dans l’âge d’or des consoles. L’époque où quand chaque sortie représentait une véritable révolution. Avec le passage à la 3D, l’explosion de la résolution années après années, des mondes plus vastes et des personnages plus nombreux. Chaque nouveauté nous donnait une claque technologique visible et immédiate. Le passage à la 3D sur N64, les textures de la Dreamcast, les environnements en haute définition sur PS3, jusqu’à la fluidité et la richesse visuelle de la PS4, chaque cycle semblait synonyme de saut spectaculaire. On est passé de décors vides sur PS2, des mondes ouverts sur N64 puis des mondes « vivants ». En termes de résolution, pour ceux qui se rappellent, on a évolué du 240p au 1080p, puis à la 4k. À chaque fois, l’écart était visible et conséquent.

Aujourd’hui

L’industrie est entrée dans une nouvelle phase. Les sauts visuels sont moins flagrants : comparer une PS4 à une PS3 était une évidence. Maintenant, entre une PS5 et une PS5 Pro, il faut presque mettre les images côte à côte pour arriver à discerner la différence. Parfois, la « nouvelle » console fait même moins bien en fluidité pour quelques reflets mieux gérés. Même coté PC, on semble depuis un moment atteindre une limite. Quelque chose que Witcher 3 puis Cyberpunk avaient déjà commencé à pointer il y a plus de 10 ans pour le premier.

Il y a une réalité que l’on ne peut nier : depuis un moment, les rendus sont bluffants. Du coup, les améliorations qui en découlent sont souvent plus que des raffinements. Les temps de chargement qui ont débarqué avec la PS1 sont revenus à un niveau convenable avec les SSD. Oui, plus de technologie c’est mieux, mais aujourd’hui les gains sont de plus en plus marginaux. Le directeur de Final Fantasy a même récemment déclaré qu’il n’y avait pas de besoin pour une PlayStation 6 ou une nouvelle Xbox à court termes (il est sur pour la Xbox ?). Une affirmation qui jette un pavé dans la mare, mais reflète une réalité plus douloureuse.

Ce qui est certains, c’est que les consoles sont de plus en plus chères. Et quand la PS3 perdait de sa valeur après 2 ans, la PS5 en a pris avec le temps. Fin 2025, la PS5 vaut 5 fois le prix d’une PS4 Pro. Pour qui joue toujours en 1080p quel intérêt de prendre le modèle au-dessus ? D’ailleurs, visiblement avec le contexte autour de la ram, si on veut mieux que l’existant, on risque de le payer très cher.

Au-delà de la technologie, on attend aussi les jeux

On le voit, la puissance brute n’est plus le problème principal. Le hardware actuel est (peut-être pas largement) suffisant pour offrir des expériences incroyables. Pourtant, les derniers titres sont pour certains encore autour des 30fps. Ce qui bloque, ce n’est plus vraiment la capacité technique, mais le contenu. Ou souvent son optimisation, dans une moindre mesure plus que la technologie en elle-même.

Les développeurs doivent jongler avec des pipelines de production monstrueux, des contraintes de moteurs comme Unreal Engine 5, et des pressions économiques qui brident la créativité. Mais voilà : si UE5 ou le Raytracing promettent de simplifier certains aspects (comme la gestion des lumières), ils imposent aussi de nouvelles contraintes. Le véritable enjeu est ailleurs : trop de jeux sortent aujourd’hui instables, nécessitant des patchs massifs et des DLC. Le pire étant cette pseudo ressemblance que l’on peut aussi percevoir entre certains titres. Forcément tout le monde utilise les mêmes assets. Dépouiller UE5 des lourds Nanite et Lumen reste un chantier que seuls Riot et Embark ont voulu traiter (et avec succès). Il y en a surement d’autres mais je n’en ai pris le temps de fouiller en dehors de mes titres.

Par ailleurs, les joueurs eux-mêmes semblent atteindre une forme de maturité dans leurs attentes.  Ce qu’ils attendent, ce n’est plus une surenchère visuelle, mais des expériences. Des expériences, plus fréquentes, mieux pensées et mieux exécutées. On le voit avec les évolutions de genre. Les graphismes actuels suffisent : pas besoin d’une nouvelle vitrine technologique. On a troqué la direction artistique pour le photoréalisme. À présent, ce sont des jeux mieux finis, plus inventifs que l’on réclame. À force de viser le réalisme absolu, la plupart des titres se ressemblent, manquent d’âme ou de prise de risque.

La faute aux studios ?

Enfin, les cycles de développement se sont allongés de manière démesurée : là où un studio pouvait sortir un titre majeur tous les 2 ans, il faut désormais 5, 6, parfois 7 ans pour un seul jeu AAA. Il n’y a qu’à voir les retards de GTA6. Et le coût colossal de production rend les éditeurs frileux, multiplie les reports et pousse certains studios à la faillite au moindre échec.  L’arrivée de Battlefield 6 est un bon exemple. Le jeu est beau, on nous parle d’une RTX2060, de 6 cœurs solides et du double de ram d’une PS4 pour avoir 30 fps en 1080p. Ce n’est pas sérieux, qui joue à Battlefield à 30 fps ? Pour autant, la presse ne donnait pas cher de la peau d’EA en cas d’échec de BF6.

Par ailleurs, certains développeurs ont raté le coche. Ils ont voulu des outils qui raccourcissent les temps de développement et du matériel qui va avec les possibilités des moteurs. Le reste de l’industrie a suivi avec upscaling et meilleure gestion des ombres dans les moteurs. Mais… en lassant pour compte pas mal de monde au passage.  On devrait attendre d’eux de meilleures pratiques d’optimisation. Les influenceurs aussi ont leur part de responsabilité et devraient arrêter de prendre le « toujours plus réaliste » comme seul critère d’évaluation.  Ils devraient encourager les studios à remettre en avant la créativité et le design. L’impasse de Battlefield sur le Raytracing quand Doom et BlackOps l’ont intégré de manière discutable là où ce n’était pas nécessaire est peut-être un signe que les temps doivent changer.

Quel avenir ?

Malheureusement, aujourd’hui, la sortie de la nouvelle génération est sur toutes les lèvres. Le contexte industriel ne va pas en rapprocher la date de sa sortie. Alors, on comprend que ça soit important, que la console next gen fixera un cap et des limites techniques pour le développement des jeux sur les 7 à 8 prochaines années. Pourtant, pour moi, la question n’est même plus : « Quand sortira la PS6 ? », mais plutôt : « Comment faire mieux avec ce que l’on a déjà ? ».

Et c’est là qu’une partie de l’industrie a oublié son cahier de doléances. La future steam machine annoncée au niveau de la PS5 sera donc obsolète dès sa sortie. Une éventuelle PS6 sera clairement un cran au-dessus si on suit la logique. Pour rappel, la PS3 avait l’équivalent d’une GT710, la PS4 une RX480, la PS5 une RX6700. Le gap attendu sur la PS6 est à minima quelque chose proche d’une RTX5080. En face, la pauvre RX7600 pourtant supérieure à plus de 50% du hardware sur Steam serait bien à la peine pour produire un rendu équivalent.

L’équation plus de puissance = meilleurs jeux ne tient plus et ne doit plus être le moteur de l’industrie. Le matériel est déjà assez puissant pour offrir des expériences extraordinaires. Le steamdeck, par exemple, approche les performances d’une PS4 pas dans les mêmes conditions certes. Le 720p 45/60FPS est largement appréciable dessus. Ce dont les joueurs ont besoin, ce n’est pas d’une console plus chère et plus puissante, (sauf peut-être chez Microsoft). À défaut, ils aimeraient déjà avoir une console dispo et du contenu qualitatif. Des jeux mieux finis, plus inventifs et plus qualitatifs sans être plus nombreux.

By tech